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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/159

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— Ah ! pensa Lisbeth, pour qu’elle ait fait plier à ce point son orgueil, dans quelle extrémité se trouve-t-elle donc ?

Lisbeth entra, surprit Adeline en pleurs et lui sauta au cou.

— Adeline, ma chère enfant, je sais tout ! dit la cousine Bette. Tiens, le maréchal a laissé tomber ce papier, tant il était troublé, car il courait comme un lévrier… Cet affreux Hector ne t’a pas donné d’argent depuis ?…..

— Il m’en donne fort exactement, répondit la baronne ; mais Hortense en a eu besoin, et…

— Et tu n’avais pas de quoi nous donner à dîner, dit Bette en interrompant sa cousine. Maintenant je comprends l’air embarrassé de Mariette à qui je parlais de la soupe. Tu fais l’enfant, Adeline ! tiens, laisse-moi te donner mes économies.

— Merci, ma bonne Bette, répondit Adeline en essuyant une larme. Cette petite gêne n’est que momentanée, et j’ai pourvu à l’avenir. Mes dépenses seront désormais de deux mille quatre cents francs par an, y compris le loyer, et je les aurai. Surtout, Bette, pas un mot à Hector. Va-t-il bien ?

— Oh ! comme le Pont-Neuf ! il est gai comme un pinson, il ne pense qu’à sa sorcière de Valérie.

Madame Hulot regardait un grand pin argenté qui se trouvait dans le champ de sa fenêtre, et Lisbeth ne put rien lire de ce que pouvaient exprimer les yeux de sa cousine.

— Lui as-tu dit que c’était le jour où nous dînions tous ici ?

— Oui, mais bah ! madame Marneffe donne un grand dîner, elle espère traiter de la démission de monsieur Coquet ! et cela passe avant tout ! Tiens, Adeline, écoute-moi : tu connais mon caractère féroce à l’endroit de l’indépendance. Ton mari, ma chère, te ruinera certainement. J’ai cru pouvoir vous être utile à tous chez cette femme, mais c’est une créature d’une dépravation sans bornes, elle obtiendra de ton mari des choses à le mettre dans le cas de vous déshonorer tous.

Adeline fit le mouvement d’une personne qui reçoit un coup de poignard dans le cœur.

— Mais, ma chère Adeline, j’en suis sûre. Il faut bien que j’essaie de t’éclairer. Eh bien ! songeons à l’avenir ! le maréchal est vieux, mais il ira loin, il a un beau traitement ; sa veuve, s’il mourait, aurait une pension de six mille francs. Avec cette somme, moi, je me chargerais de vous faire vivre tous ! Use de ton in-