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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/178

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vilain gris sans pouvoir couvrir la tête en les ramenant, il est bien tard pour toi, tu devrais t’aller coucher. Tu sais que demain il faut te purger, le docteur l’a dit, et Reine te fera prendre du bouillon aux herbes dès sept heures… Si tu veux vivre, laisse là ton piquet…

— Faisons-le en cinq marqués ? demanda Marneffe à Crevel.

— Bien… j’en ai déjà deux, répondit Crevel.

— Combien cela durera-t-il ? demanda Valérie.

— Dix minutes, répliqua Marneffe.

— Il est déjà onze heures, répondit Valérie. Et vraiment, monsieur Crevel, on dirait que vous voulez tuer mon mari. Dépêchez-vous au moins.

Cette rédaction à double sens fit sourire Crevel, Hulot et Marneffe lui-même. Valérie alla causer avec son Hector.

— Sors, mon chéri, dit Valérie à l’oreille d’Hector, promène-toi dans la rue Vanneau, tu reviendras lorsque tu verras sortir Crevel.

— J’aimerais mieux sortir de l’appartement et rentrer dans ta chambre par la porte du cabinet de toilette ; tu pourrais dire à Reine de me l’ouvrir.

— Reine est là-haut à soigner Lisbeth.

— Eh bien ! si je remontais chez Lisbeth ?

Tout était péril pour Valérie, qui, prévoyant une explication avec Crevel, ne voulait pas Hulot dans sa chambre où il pourrait tout entendre. Et le Brésilien attendait chez Lisbeth.

— Vraiment, vous autres hommes, dit Valérie à Hulot, quand vous avez une fantaisie, vous brûleriez les maisons pour y entrer. Lisbeth est dans un état à ne pas vous recevoir… Craignez-vous d’attraper un rhume dans la rue !… Allez-y… ou bonsoir !…

— Adieu, messieurs, dit le baron à haute voix.

Une fois attaqué dans son amour-propre de vieillard, Hulot tint à prouver qu’il pouvait faire le jeune homme en attendant l’heure du berger dans la rue, et il sortit.

Marneffe dit bonsoir à sa femme, à qui, par une démonstration de tendresse apparente, il prit les mains. Valérie serra d’une façon significative la main de son mari, ce qui voulait dire :  — Débarrasse-moi donc de Crevel.

— Bonne nuit, Crevel, dit alors Marneffe, j’espère que vous ne resterez pas long-temps avec Valérie. Ah ! je suis jaloux… ça m’a