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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/129

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LES RIVALITÉS: LA VIEILLE FILLE.

du Val-Noble, se comporte dans son ménage comme il se comportait envers l’aristocratie, qu’il caressait pour l’égorger. Comme son ami Bernadotte, il chaussa d’un gant de velours sa main de fer. Sa femme ne lui donna pas d’enfants. Le mot de Suzanne, les insinuations du chevalier de Valois se trouvèrent ainsi justifiées. Mais la bourgeoisie libérale, la bourgeoisie royaliste-constitutionnelle, les hobereaux, la magistrature et le parti-prêtre, comme disait le Constitutionnel, donnèrent tort à madame du Bousquier. Monsieur du Bousquier l’avait épousée si vieille ! disait-on. D’ailleurs quel bonheur pour cette pauvre femme, car à son âge il était si dangereux d’avoir des enfants ! Si madame du Bousquier confiait en pleurant ses désespoirs périodiques à madame du Coudrai, à madame du Ronceret, ces dames lui disaient : — Mais vous êtes folle, ma chère, vous ne savez pas ce que vous désirez, un enfant serait votre mort ! Puis, beaucoup d’hommes qui rattachaient, comme monsieur du Coudrai, leurs espérances au triomphe de du Bousquier, faisaient chanter ses louanges par leurs femmes. La vieille fille était assassinée par ces phrases cruelles.

— Vous êtes bien heureuse, ma chère, d’avoir épousé un homme capable, vous éviterez les malheurs des femmes qui sont mariées à des gens sans énergie, incapables de conduire leur fortune, de diriger leurs enfants.

— Votre mari vous rend la reine du pays, ma belle. Il ne vous laissera jamais dans l’embarras, celui-là ! Il mène tout dans Alençon.

— Mais je voudrais, disait la pauvre femme, qu’il se donnât moins de peine pour le public, et qu’il…

— Vous êtes bien difficile, ma chère madame du Bousquier, toutes les femmes vous envient votre mari.

Mal jugée par le monde, qui commença par lui donner tort, la chrétienne trouva, dans son intérieur, une ample carrière à déployer ses vertus. Elle vécut dans les larmes et ne cessa d’offrir au monde un visage placide. Pour une âme pieuse, n’était-ce pas un crime que cette pensée qui lui becqueta toujours le cœur : J’aimais le chevalier de Valois, et je suis la femme de du Bousquier ! L’amour d’Athanase se dressait aussi sous la forme d’un remords et la poursuivait dans ses rêves. La mort de son oncle, dont les chagrins avaient éclaté, lui rendit son avenir encore plus douloureux, car elle pensa toujours aux souffrances que son oncle dut éprouver en voyant le