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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/163

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LES RIVALITÉS: LE CABINET DES ANTIQUES.

prit de conduite, il désirait le marier à quelque noble fille, sage et prudente. Il se demandait comment un jeune homme pouvait penser si bien et se conduire si mal, en lui voyant faire le lendemain le contraire de ce qu’il avait promis la veille. Mais il n’y a jamais rien de bon à attendre des jeunes gens qui avouent leurs fautes, s’en repentent et les recommencent. Les hommes à grands caractères n’avouent leurs fautes qu’à eux-mêmes, ils s’en punissent eux-mêmes. Quant aux faibles ils retombent dans l’ornière, en trouvant le bord trop difficile à côtoyer. Victurnien, chez qui de semblables tuteurs avaient, de concert avec ses compagnons et ses habitudes, assoupli le ressort de l’orgueil secret des grands hommes, était arrivé soudain à la faiblesse des voluptueux, dans le moment de sa vie où, pour s’exercer, sa force aurait eu besoin du régime de contrariétés et de misères qui forma les prince Eugène, les Frédéric II et les Napoléon. Chesnel apercevait chez Victurnien cette indomptable fureur pour les jouissances qui doit être l’apanage des hommes doués de grandes facultés et qui sentent la nécessité d’en contre-balancer le fatigant exercice par d’égales compensations en plaisirs, mais qui mènent aux abîmes les gens habiles seulement pour les voluptés. Le bonhomme s’épouvantait par moments ; mais, par moments aussi, les profondes saillies et l’esprit étendu qui rendaient ce jeune homme si remarquable le rassuraient. Il se disait ce que disait le marquis quand le bruit de quelque escapade arrivait à son oreille : — Il faut que jeunesse se passe ! Quand Chesnel se plaignait au Chevalier de la propension du jeune comte à faire des dettes, le Chevalier l’écoutait en massant une prise de tabac d’un air moqueur.

— Expliquez-moi donc ce qu’est la Dette Publique, mon cher Chesnel, lui répondait-il. Hé ! diantre ! si la France a des dettes, pourquoi Victurnien n’en aurait-il pas ? Aujourd’hui comme toujours, les princes ont des dettes, tous les gentilshommes ont des dettes. Voudriez-vous par hasard que Victurnien vous apportât des économies ? Vous savez ce que fit notre grand Richelieu, non pas le cardinal, c’était un misérable qui tuait la noblesse, mais le maréchal, quand son petit-fils le prince de Chinon, le dernier des Richelieu, lui montra qu’il n’avait pas dépensé à l’Université l’argent de ses menus-plaisirs ?

— Non, monsieur le Chevalier.

— Hé ! bien, il jeta la bourse par la fenêtre, à un balayeur des