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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/463

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LE LYS DE LA VALLÉE.

disait que la dernière syllabe de mon nom, prononcée à l’anglaise, espèce d’appel qui sur ses lèvres avait un charme digne d’une fée. Elle savait ne devoir être entendue que de moi en criant : My Dee.

— C’est lui, madame, répondit la comtesse en contemplant sous un clair rayon de la lune la fantastique créature dont le visage impatient était bizarrement accompagné de ses longues boucles défrisées.

Vous savez avec quelle rapidité deux femmes s’examinent. L’Anglaise reconnut sa rivale et fut glorieusement Anglaise ; elle nous enveloppa d’un regard plein de son mépris anglais et disparut dans la bruyère avec la rapidité d’une flèche.

— Vite à Clochegourde ! cria la comtesse pour qui cet âpre coup-d’œil fut comme un coup de hache au cœur.

Le cocher retourna pour prendre le chemin de Chinon qui était meilleur que celui de Saché. Quand la calèche longea de nouveau les landes, nous entendîmes le galop furieux du cheval d’Arabelle et les pas de son chien. Tous trois, ils rasaient les bois de l’autre côté de la bruyère.

— Elle s’en va, vous la perdez à jamais, me dit Henriette.

— Eh ! bien, lui répondis-je, qu’elle s’en aille ! Elle n’aura pas un regret.

— Oh ! les pauvres femmes, s’écria la comtesse en exprimant une compatissante horreur. Mais où va-t-elle ?

— À la Grenadière, une petite maison près de Saint-Cyr, dis-je.

— Elle s’en va seule, reprit Henriette d’un ton qui me prouva que les femmes se croient solidaires en amour et ne s’abandonnent jamais.

Au moment où nous entrions dans l’avenue de Clochegourde, le chien d’Arabelle jappa d’une façon joyeuse en accourant au-devant de la calèche.

— Elle nous a devancés, s’écria la comtesse. Puis elle reprit, après une pause : Je n’ai jamais vu de plus belle femme. Quelle main et quelle taille ! Son teint efface le lys, et ses yeux ont l’éclat du diamant ! Mais elle monte trop bien à cheval, elle doit aimer à déployer sa force, je la crois active et violente ; puis elle me semble se mettre un peu trop hardiment au-dessus des conventions : la femme qui ne reconnaît pas de lois est bien près de n’écouter que ses caprices. Ceux qui aiment tant à briller, à se mouvoir, n’ont pas reçu le don de constance. Selon mes idées, l’amour veut plus