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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/497

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LE LYS DE LA VALLÉE.

belle de ses expiations et belle de ses espérances : je vis dans la cheminée les cendres noires de mes lettres, qui venaient d’être brûlées, sacrifice qu’elle n’avait voulu faire, me dit son confesseur, qu’au moment de la mort. Elle nous sourit à tous de son sourire d’autrefois. Ses yeux humides de larmes annonçaient un dessillement suprême, elle apercevait déjà les joies célestes de la terre promise.

— Cher Félix, me dit-elle en me tendant la main et en serrant la mienne, restez. Vous devez assister à l’une des dernières scènes de ma vie, et qui ne sera pas la moins pénible de toutes, mais où vous êtes pour beaucoup.

Elle fit un geste, la porte se ferma. Sur son invitation le comte s’assit, l’abbé Birotteau et moi nous restâmes debout. Aidée de Manette, la comtesse se leva, se mit à genoux devant le comte surpris, et voulut rester ainsi. Puis, quand Manette se fut retirée, elle releva sa tête, qu’elle avait appuyée sur les genoux du comte étonné.

— Quoique je me sois conduite envers vous comme une fidèle épouse, lui dit-elle d’une voix altérée, il peut m’être arrivé, monsieur, de manquer parfois à mes devoirs ; je viens de prier Dieu de m’accorder la force de vous demander pardon de mes fautes. J’ai pu porter dans les soins d’une amitié placée hors de la famille des attentions plus affectueuses encore que celles que je vous devais. Peut-être vous ai-je irrité contre moi par la comparaison que vous pouviez faire de ces soins, de ces pensées et de celles que je vous donnais. J’ai eu, dit-elle à voix basse, une amitié vive que personne, pas même celui qui en fut l’objet, n’a connue en entier. Quoique je sois demeurée vertueuse selon les lois humaines, que j’aie été pour vous une épouse irréprochable, souvent des pensées, involontaires ou volontaires, ont traversé mon cœur, et j’ai peur en ce moment de les avoir trop accueillies. Mais comme je vous ai tendrement aimé, que je suis restée votre femme soumise, que les nuages, en passant sous le ciel, n’en ont point altéré la pureté, vous me voyez sollicitant votre bénédiction d’un front pur. Je mourrai sans aucune pensée amère si j’entends de votre bouche une douce parole pour votre Blanche, pour la mère de vos enfants et si vous lui pardonnez toutes ces choses qu’elle ne s’est pardonnées à elle-même qu’après les assurances du tribunal duquel nous relevons tous.