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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/87

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LES RIVALITÉS: LA VIEILLE FILLE.

présidente de la Société Maternelle, je vais vous aller chercher dix écus !

— Dix écus ! s’écria madame Granson. Mais vous n’avez jamais donné autant.

— Mais, ma bonne, il est si naturel d’avoir des enfants !

Cette phrase immorale partie du cœur stupéfia la trésorière de la Société Maternelle. Du Bousquier avait évidemment grandi dans l’esprit de mademoiselle Cormon.

— Vraiment, dit madame Granson, du Bousquier n’est pas seulement un monstre, il est encore un infâme. Lorsqu’on a causé préjudice à quelqu’un, ne doit-on pas l’indemniser ? Ne serait-ce pas à lui, plutôt qu’à nous, de secourir cette petite, qui, après tout, me semble un fort mauvais sujet, car il y avait dans Alençon mieux que ce cynique du Bousquier ! Il faut être bien libertine pour s’adresser à lui.

— Cynique ! votre fils vous apprend, ma chère, des mots latins qui sont incompréhensibles. Certes, je ne veux pas excuser monsieur du Bousquier ; mais expliquez-moi comment une femme est libertine en préférant un homme à un autre ?

— Chère cousine, vous épouseriez mon fils Athanase, il n’y aurait là rien que de très-naturel ; il est jeune et beau, plein d’avenir, il sera la gloire d’Alençon ; seulement tout le monde penserait que vous avez pris un si jeune homme pour être très-heureuse ; les mauvaises langues diraient que vous faites vos provisions de bonheur pour n’en jamais manquer ; il y aurait des femmes jalouses qui vous accuseraient de dépravation ; mais, qu’est-ce que cela ferait ? vous seriez bien aimée et véritablement. Si Athanase vous paraît idiot, ma chère, c’est qu’il a trop d’idées ; les extrêmes se touchent. Il vit certes comme une jeune fille de quinze ans, il n’a pas roulé dans les impuretés de Paris, lui !… Eh ! bien, changez les termes, comme disait mon pauvre mari : il en est de même de du Bousquier par rapport à Suzanne. Vous seriez calomniée, vous ; mais, dans l’affaire de du Bousquier, tout est vrai. Comprenez-vous ?

— Pas plus que si vous me parliez grec, dit mademoiselle Cormon qui ouvrait de grands yeux en tendant toutes les forces de son intelligence.

— Hé ! bien, cousine, puisqu’il faut mettre les points sur les i, Suzanne ne peut pas aimer du Bousquier. Et si le cœur n’est pour rien dans cette affaire…