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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/101

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COMMENT DU DICT PÉCHÉ D’AMOUR FEUT FAICTE GRIEFVE PÉNITENCE ET MENÉ GRANT DEUIL


— Vray Dieu ! s’escria l’abbé, lorsque le paige eut accusé la kyrielle de ses doulx péchés, tu es complice d’une énorme félonie, et tu as trahy ton seigneur ! Sçays-tu, paige de maltalent, que, pour ce, tu arseras pendant toute l’éternité, tousiours ? et sçays-tu ce que c’est que de perdre à iamais le ciel d’en haut pour ung moment périssable et changeant d’icy-bas ? Malheureux ! ie te veois précipité pour iamais dedans les gouffres de l’enfer, à moins de payer à Dieu, dès ce monde, ce que tu luy doibs pour tel grief…

Là-dessus, le bon vieil abbé, qui estoyt de la chair dont on faict les saincts, et qui avoyt grant authorité au pays de Touraine, espouvanta le ieune homme par ung monceau de représentations, discours chrestiens, remembrances des commandemens de l’Ecclise et mille chouses esloquentes autant que ung diable en peut dire en six semaines pour séduire une pucelle, mais tant et tant, que René, lequel estoyt dans la loyale ferveur de l’innocence, feit sa soubmission au bon abbé. Ores, ledict abbé, voulant faire ung sainct homme et vertueux pour tousiours de cet enfant en train