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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/197

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LA PUCELLE DE THILHOUZE



Le seigneur de Valesnes, lieu plaisant dont le chasteau n’est point loing du bourg de Thilhouze, avoyt prins une chétifve femme, laquelle, par raison de goust ou de desgoust, plaisir ou desplaisir, maladie ou santé, laissoyt ieusner son bon mary des doulceurs et sucreries stipulées en tous contracts de mariaige. Pour estre iuste, il faut dire que ce dessus dict seigneur estoyt ung masle bien ord et sale, tousiours chassant les bestes faulves, et pas plus amusant que n’est la fumée dans les salles. Puis, par appoinct de compte, le susdict chasseur avoyt bien une soixantaine d’années desquelles il ne sonnoyt mot, pas plus que la veufve d’ung pendu ne parle de chordes. Mais la Nature, qui les tortus, bancals, aveugles et laids, gecte à pannerées icy-bas, sans en avoir plus d’estime que des beaulx, veu que, comme les ouvriers en tapisseries, elle ne sçayt ce qu’elle faict, donne mesme appetit à tous, et à tous mesme goust au potaige. Aussy, par adventure, chaque beste treuve une escuyerie ; de là le proverbe : « Il n’y ha si vilain pot qui ne rencontre son couvercle. » Ores doncques, le seigneur de Valesnes cherchoyt partout de iolys pots à couvrir, et souvent, oultre la faulve, courroyt la petite