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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/205

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LA PUCELLE DE THILHOUZE.

natée et tapissée, où il avoyt logié sa poulette, ses rentes, ses fagots, sa maison, son bled et son sommelier. Pour estre brief, saichez qu’il treuva la pucelle de Thilhouze la plus belle fille du monde, iolie comme tout, à la doulce lumière du feu qui pétilloyt dans la cheminée, bien noiseuse entre les draps, cherchant castilles, sentant une bonne odeur de pucelaige, et, de prime faict, n’eut aulcun regret au grand prix de ce biiou. Puis, ne pouvant se tenir de despescher les premières bouchées de ce friant morceau royal, le seigneur se mit en debvoir de fanfrelucher, en maistre passé, ce ieune formulaire. Vécy doncques le bienheureux qui, par trop grant gloutonnerie, vétille, glisse, enfin ne sçayt plus rien du ioly mestier d’amour. Ce que voyant, après ung moment, la bonne fille dict innocemment à son vieulx cavalier : — Monseigneur, si vous y estes, comme ie pense, donnez, s’il vous plaist, ung peu plus de volée à vos cloches.

Sur ce proupos, qui finit par se répandre, ie ne sçay comment, Marie Ficquet devint fameuse, et l’on dict encores en nos pays : « C’est une pucelle de Thilhouze ! » en mocquerie d’une mariée, et pour signifier une fricquenelle.

Fricquenelle se dict d’une fille que ie ne vous soubhaite point de treuver en vos draps la première nuict de vos nopces, à moins que vous ne soyez nourry dans la philosophie du Porticque, où l’on ne s’estomiroyt d’aulcun meschief. Et il y ha beaucoup de gens contraincts d’estre stoïciens en ceste conioncture drolaticque, laquelle se rencontre encore assez souvent, car la nature tourne, mais ne change point, et tousiours il y aura de bonnes pucelles de Thilhouze en Touraine, et ailleurs. Que si vous me demandiez maintenant en quoy consiste et où esclate la moralité de ce Conte, ie seroys bien en droict de respondre aux dames : que les Cent Contes drolaticques sont plus faicts pour apprendre la morale du plaisir, que pour procurer le plaisir de faire de la morale.

Mais, si c’estoyt un bon vieulx braguard bien desreiné qui m’interlocutast, ie luy diroys, avecques les gracieux mesnagemens deus à ses perruques iaunes ou grises : que Dieu ha voulu punir le sieur de Valesnes d’avoir essayé d’achepter une danrée faicte pour estre donnée.

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