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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/208

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LES CONTES DRÔLATIQUES.

conioints que par les hazards de la nature, veu qu’ils estoient fraternisez par les liens d’ung sentiment espécial, involontaire et mutuel. Aussy la fraternité des armes ha-t-elle produict de beaulx traicts, aussy braves que ceulx des anciens Grecs, Romains ou aultres… Mais cecy n’est pas mon subiect. Le récit de ces chouses se treuve escript par les historiens de nostre pays, et ung chascun le sçayt.

Doncques, en ce temps-là, deux ieunes gentilshommes de Touraine, dont l’ung estoyt le cadet de Maillé, l’aultre le sieur de Lavallière, se feirent frères d’armes le iour où ils gaignèrent leurs esperons. Ils sortoyent de la maison de monsieur de Montmorency, où ils feurent nourris des bonnes doctrines de ce grant capitaine, et avoyent monstré combien la valeur est contagieuse en ceste belle compaignie, pour ce que, à la bataille de Ravennes, ils méritèrent les louanges des plus vieulx chevaliers. Ce feut dans la meslée de ceste rude iournée que Maillé, saulvé par le susdict Lavallière, avecques lequel il avoyt eu quelques noises, veit que ce gentilhomme estoyt ung noble cueur. Comme ils avoyent receu chascun des eschancreures en leur pourpoinct, ils baptizèrent ceste fraternité dans leur sang et feurent traictez ensemble, dans ung mesme lict, soubz la tente de monsieur de Montmorency,