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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/288

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CONTES DROLATIQUES.

nostres, mais faisoyt de muettes prières aux dames, leur offroyt à leur despartie de l’eaue benoite, les suivoyt de loing et taschioyt, pour ces menus services, de rencontrer quelque adventure où, au péril de sa vie, il se seroit fourny d’un protecteur ou d’une gracieuse maistresse. Il avoyt en sa ceinture deux doublons, lesquels il ménagioyt plus que sa peau, veu que elle pouvoyt se refaire, et les dessus dicts doublons nullement. Par ung chascun iour, il prenoyt sur ces deniers le prix d’une miche et de quelques meschantes pommes avecques quoy il se sustantoyt, puis beuvoyt, à son aise et discrétion, l’eaue de la Loire. Ceste saige et prudente diette, oultre que elle estoyt saine pour ses doublons, l’entretenoyt frisque et légier comme ung levrier, luy faisoyt ung entendement clair et ung cueur chauld, veu que l’eaue de la Loire est de tous les sirops le plus eschauffant, pour ce que, yssue de loing, elle s’est eschauffée à courir sur les grèves paravant d’estre à Tours. Aussy, comptez que le paouvre hère ingenioyt mille et une fortunes et bonnes rencontres auxquelles il ne s’en manquoyt que d’ung poulce que vrayes elles feussent. Ho ! le bon temps ! Ung soir Iacques de Beaune, nom que il guarda, encores que il ne feust point seigneur de Beaune, alloyt le long des levées, occupé