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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/331

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LE DANGIER D’ESTRE TROP COCQUEBIN.

ioua terrible musicque en haulte gamme à monsieur de Braguelongne : Comme quoy n’avoyt aulcune recognoissance des biens que elle lui avoyt apportez : son estat, ses finances, sa fidélité, et cætera. Enfin elle parla demy-heure sans avoir évaporé le quart de son ire. De ce, mille coulteaux feurent entre eulx tirez, mais en garduèrent les guaisnes. Pendant ce, les mariez bien couchiez, se délibéroyent, ung chascun à part luy, de soy évader, pour faire plaisir à l’aultre. Et le cocquebin de se dire tout tresmoussé de ne sçavoyt quoy, et de vouloir aller à l’aër. Et femme non damée de l’inviter à prendre ung rayon de lune. Et bon cocquebin de plaindre sa petite de demourer seulette ung moment. Brief, tous deux en temps divers, yssirent de leur lict coniugal, en grant haste de quérir la sapience, et vindrent à leurs docteurs, tous bien impatiens, comme vous debvez croire. Aussy leur feut-il baillé ung bon enseignement. Comment ? Ie ne sçauroys le dire, pour ce que ung chascun a sa méthode et praticque et que, de toutes sciences, ceste-cy est la plus mouvante en principes. Comptez seulement que iamais escholiers ne receurent plus vifvement les préceptes de aulcune langue, grammaire ou lessons quelconques. Puis revindrent les deux espoux en leur nid, bien heureux de se communicquer les descouvertes de leurs pérégrinations scientificques.

— Ha ! mon amy, feit la mariée, tu en sçays désià plus long que mon maistre.

De ces curieuses esprouvettes vint leur ioye en mesnaige et parfaicte fidélité, pour ce que, dès leur entrée en mariaige, ils expérimentèrent combien ung chascun d’eulx avoyt des chouses meilleures pour les déduicts d’amour que ceux de tous aultres, leurs maistres comprins. Doncques, pour le demourant de leurs iours, s’en tindrent à la légitime estoffe de leurs personnes. Aussy le sieur de Moncontour disoyt-il en son vieil aage à ses amys :

— Faictes comme moy ; soyez cocqus en herbe et non en gerbe.

Ce qui est la vraye moralité des brayettes coniugales.




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