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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/379

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LE SUCCUBE.

aureilles, et luy avoyt bouté si cuysante amour au corps, que sa vie s’en alloyt toute en l’endroict par où elle se donne ; et que finablement, sans le secours du vin de Chypre dont il avoyt beu pour se clore les yeux et se couchier soubz les bancs, à ceste fin de ne plus veoir les yeulx flambans de l’hostesse diabolicque, et ne se point navrer en elle, sans doubte aulcun eust-il desconfict le ieune Croixmare à ceste fin de iouir une seule foys de ceste femme supernaturelle. Depuis ce, avoyt eu cure de se confesser de ce maulvais pensier. Puis, par advis d’en hault, avoyt reprins à son espouse sa relicque de vraye Croix et estoyt demouré en son manoir, où, nonobstant ces prévoyances chrestiennes, la dicte voix luy fretilloyt aulcunes foys en la cervelle, et, au matin, avoyt souvent en remembrance ceste diablesse mammalement ardente comme mesche. Et pour ce que la veue de ceste gouge estoyt si chaulde, que elle le faisoyt arser comme ung homme ieune, luy quasi mort, et pour ce qu’il luy en coustoyt lors force transbordemens d’esperitz vitaulx, nous ha requis le dict seigneur de ne point le confronter avecques ceste emperière d’amour, à laquelle, si ce n’estoyt le diable, Dieu le Père avoyt octroyé d’estranges licences sur les chouses de l’homme. Puis s’est retiré après lecture de ces dires, non sans avoir recogneu le dessus dit Africquain pour estre le serviteur et paige de la dame.


En quatriesme lieu, sur la foy baillée par nous, au nom du Chapitre et de nostre seigneur l’archevesque, de n’estre tormenté, gehenné ne inquiété en aulcune chouse, ni manière, ne estre plus cité après ses dires, attendu les voyaiges de son négoce, et sur l’asseurance de pouvoir soy retirer en toute liberté, est advenu un iuif ayant nom Salomon al Rastchild, lequel, maulgré l’infamie de sa personne et son iudaïsme, ha par nous esté ouy, à ceste unicque fin de tout sçavoir concernant les déportemens du dessus dict démon. Ains ne ha esté requis de donner aulcun serment ledict Salomon, veu que il est en dehors de l’Ecclise, séparé de nous par le sang de nostre Saulveur (trucidatus Salvator inter nos).

Interrogué sur ce que il comparoissoyt sans le bonnet verd en