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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/517

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SUR LE MOYNE AMADOR.

merciant Amador, le moyne maulgréa de veoir tant amoindrir son dodrantal et luy dict :

— Prenez que ce soyt le bras, mon père, et n’en sonnons plus mot.

La vuydange du procès entre le sieur de Candé et l’abbaye de Turpenay feut suyvie d’ung heur qui le rendit fort dévotieux à nostre Ecclise, pour ce que il eust ung fils à l’eschéance du neufviesme mois. Deux ans après, Amador feut esleu pour abbé par les moynes, qui comptoyent sur ung ioyeulx gouvernement avecques ung fol. Ains Amador, abbé devenu, devint saige et trez-austère, pour ce que il avoyt dompté ses maulvais vouloirs par ses exercitations, et refondu sa nature à la forge femelle, en laquelle est ung feu à clarifier toute chouse, veu que ce feu est le plus perdurable, persévérant, persistant, perfectissime, périnant, perprinsant, perscrutant et périnéal qui soyt en ce monde. Aussy est-ce ung feu à tout ruyner, et qui ruyna si bien le maulvais en Amador, que il ne laissa que ce que il ne pouvoyt mordre, asçavoir son esperit, lequel feut clair comme diamant, qui est, comme ung chascun sçayt, ung résidu du grant feu par lequel feut carboné iadis nostre globe. Amador feut doncques l’instrument esleu par la Providence pour réformer nostre inclyte abbaye, veu que il y redressa tout, veigla nuict et iour sur ses moynes, les feit tous lever aux heures dictes pour les offices, les