Aller au contenu

Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
527
BERTHE LA REPENTIE.

Oyant ceste querimonie, le vieulx Bastarnay eust laissé tout ung moustier de moynes à sa femme pour ne point estre abandonné par elle et par ung escuyer capable d’estre le los de sa maison, et demoura la teste penchiée aux chaisnes.

— Démon ! feit Berthe, sans sçavoir quelle estoyt sa part en cecy, es-tu content ? Advienne lors en ceste ruyne l’assistance de Dieu, des saincts et archanges, que i’ay tant priez !

Berthe eut soubdain le cueur emply de sainctes consolations, veu que la bannière du grand moustier torna la route d’un champ et apparut accompaignée des chants de l’Ecclise, qui esclattèrent comme voix célestes. Les moynes, informés du meurtre perpetré sur leur bien-aymé prieur, venoyent chercher son corps processionnellement, assistez de la iustice ecclésiasticque. Voyant ce, le sire de Bastarnay eut à grant poine le temps d’yssir par la poterne avecques son monde et se départit vers monseigneur Loys, laissant tout à trac.

La pauvre Berthe, en croupe derrière son fils, vint à Montbazon faire ses adieux à son père, luy disant que elle mourroyt de ce coup, et feut reconfortée par ceulx de sa gent, qui se bendèrent à luy remettre le cueur en estat, ains sans le pouvoir. Le vieulx sire de Rohan guerdonna son petit-fils d’une belle armeure, luy disant de si bien conquester gloire et honneur par ses haults faicts, que il tornast ceste coulpe maternelle en los éterne. Ains madame de Bastarnay n’avoyt bouté dedans l’esperit de son chier fils aultre pensier que celluy de réparer le dommaige, à ceste fin de la saulver, elle et Iehan, de la damnation éterne. Tous deux allèrent doncques ez lieux où se faisoyt la rebellion, en dezir de rendre tel service à mondict sieur de Bastarnay que il receust d’eux plus que la vie. Ores le feu de la sédition estoyt, comme ung chascun sçayt, aux environs d’Engoulesme et de Bourdeaux en Guyenne, et aultres endroicts du royaulme où debvoyent avoir lieu grosses batailles et rencontres entre les séditieux et les armées royales. La principale qui fina la guerre feut livrée entre Ruffec et Engoulesme, où feurent pendus et iusticiez les gens prins. Ceste bataille, commandée par le vieulx Bastarnay, se bailla environ le mois de novembre, sept mois après le meurtre de dom Jehan. Ores, le baron se sçavoyt recommandé au prosne pour avoir la teste tranchée comme prime conseiller de monseigneur Loys. Doncques, alors que les siens feurent aval de route,