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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/622

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CONTES DROLATIQUES.

gier ses tettins, qui estoyent les plus beaulx du monde, et couper ses cheveulx, desquels elle n’avoyt donné que ung seul à son bon Empereur des Romains qui le guardoyt en son col comme prétieuse relicque ; finablement, elle advoua que de ceste nuictée seulement commençoyt sa vraye vie, pour ce que ce Villiers de l’Isle-Adam la faisoyt esmeue au déduict et luy mouvoyt le sang par trois voltes au cueur durant une frostée de mouches. Ces dires estant cogneus feirent ung chascun moult marry. Dès sa prime sortie, madame Impéria dit aux dames de Rome que elle mourroyt de male mort, si elle estoyt laissée par cettuy gentilhomme, et se fairoyt picquer comme la royne Cléopastra par ung scorpion ou aspic ; en fin de tout, elle déclaira trez apertement que elle disoyt ung éterne adieu à ses folles imaginations et monstreroyt au monde entier ce que estoyt de la vertu, en abandonnant son bel empire pour cettuy Villiers de l’Isle-Adam, duquel elle aymoyt mieulx estre la servante que régner sur la chrestienté. Le cardinal angloys remonstra au Pape que ce estoyt une infame dépravation que ceste amour vraye pour ung seul au cueur d’une femme qui estoyt la ioye de tous, et que il debvoyt frapper de quatre nullitez par ung bref in partibus ce mariaige qui mulctoyt le beau monde. Ains l’amour de ceste paouvre fille, qui lors confessoyt les misères de sa vie, estoyt chouse si iolie et remuoyt tant la fressure au plus maulvais garson, que elle feit taire tous les dires, et ung chascun luy pardonna son heur. Ung iour de quaresme, la bonne Impéria feit ieuner ses gens, leur commanda de soy confesser et revenir à Dieu ; puis elle-mesme alla se gecter au rez des pieds du Pape, et y feit tel repentir d’amour, que elle obtint de luy remission de tous ses pechez, cuydant que l’absolution de mon dict Pape communicqueroyt à son ame le pucelaige que elle se doubtoyt de ne pouvoir offrir à son amy. Besoing est de croire que la piscine ecclésiasticque eut aulcune vertu, veu que le paouvre cadet feut enveloppé de rets si bien engluez, que il se cuydoyt ez cieulx, et laissa les négociations du roy de France, laissa son amour pour la demoiselle de Montmorency, finablement laissa tout pour marier madame Impéria, à ceste fin de vivre et mourir avecques elle. Voilà quel feut l’effect des savantes manières de ceste grant dame de plaisir, une fois que sa science torna au prouffict d’ung amour de bon aloy. Madame Impéria feit ses adieux à ses mignons et pigeons par une feste royale donnée pour ses nopces, qui feurent merveil-