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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/76

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CONTES DRÔLATIQUES.

goutte ; de Sainct-Aignan, la teisgne ; de Saint-Roch, la peste ; tantost, que ceulx pondus en febvrier estoyent frileux ; en mars, trop remuans ; en apvril ne valloyent rien du tout, et que les gentils garsons estoyent yssus en may. Brief, il vouloyt que le sien feust parfaict, eust le poil de deux couleurs ; et pour ce, estoyt besoing que toutes les conditions requises se rencontrassent. En d’aultres temps, disoyt à Blanche que le droict de l’homme estoyt de bailler ung enfant à sa femme suyvant sa seule et unicque voulenté ; et que, si elle faisoyt estat d’estre une femme vertueuse, elle debvoyt se conformer aux bons vouloirs de son espoux ; enfin, qu’il falloyt attendre que la dame d’Azay feust revenue, à ceste fin qu’elle assistast aux couches. De tout cela feut conclud par Blanche que le senneschal estoyt contrarié de ses requestes, et avoyt peut-estre raison, veu qu’il estoyt vieil et plein d’expérience : doncques, elle se soubmit, et ne songea plus, qu’à part elle, de ce tant deziré enfant, c’est-à-dire que elle y pensoyt tousiours, comme quand une femme ha ung vouloir en teste, sans se doubter que elle faisoyt acte de galloise et villotière courant après la friandise. Un soir que, par cas fortuit, Bruyn devisoyt d’enfans, discours qu’il fuyoyt comme les chats fuyent l’eaue, mais il se plaignoyt d’un gars condamné par luy le matin pour de grans meschiefs, disant que, pour seur, cettuy-là procedoyt de gens chargez de péchez mortels :

— Las ! dit Blanche, si vous voulez m’en donner ung, encores que vous n’ayez point l’absolution, ie le corrigeray si bien, que vous serez content de luy…

Lors le comte veit que sa femme estoyt mordue par une phantaisie chaulde et qu’il estoyt temps de livrer bataille à son pucelaige, affin de s’en rendre maistre, l’exterminer, le muleter, le baster, ou l’assoupir et l’estaindre.

— Comment, ma mye, voulez-vous estre mère ? feit-il. Vous ne sçavez pas encore le mestier de dame, et n’estes point accoustumée à faire la maistresse de léans.

— Oh ! oh ! dit-elle. Pour estre parfaicte comtesse, et logier en mes flancs ung petit comte, dois-je faire la dame ? Si la feroys-je, et druement.

Blanche doncques, pour obtenir lignaige, se mit à courre des cerfs et des biches : saultant les fossez ; chevaulchant sur sa hacquenée, à val et à mont, par les bois et champs ; prenant grant liesse à veoir voler ses faulxcons, à les deschapperonner : et les