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XIII.
TOUCHANTE ATTENTION D’UN PAPA.

— Mon ami, dit le papa à son fils, Paganini est arrivé ; Paris possède enfin ce prodige.

— Qu’est-ce que c’est que Paganini ? demanda le fils à son papa.

— Comment ! dit le papa à son fils, tu ignores de pareilles choses ? Mais qu’apprends-tu donc à l’enseignement mutuel ?… Paganini est le généralissime des virtuoses apparus depuis le déluge ; c’est le Napoléon des violons.

— Ah ! dit le fils.

Et il alla jouer à la balle.

Le papa, comme absorbé par une combinaison financière, resta quelques instants silencieux, puis il rappela son fils.

— Mon ami, lui dit-il, tu n’as encore que huit ans ; une longue carrière s’ouvre devant toi, pendant laquelle tu verras bien des choses surprenantes, mais jamais aussi surprenantes cependant que ne l’est Paganini, — à ce qu’assure mon journal. — Ainsi, mon enfant, quoi qu’il en coûte à ton père, je te mènerai ce soir à l’Opéra ; je veux que, dans la suite des temps, tu puisses dire que tu as vu ce divin maestro.

— Papa, est-ce qu’il en coûte cher pour dire cela ?

— Trente francs, mon fils.

— Dieu ! papa, avec trente francs, comme on aurait des chaussons et des sucres d’orge !

— Allons, mon ami, va te faire habiller par ta bonne et prépare-toi à l’admiration.

L’enfant se fit habiller, se prépara à l’admiration en dînant comme quatre et alla le soir à l’Opéra.

Arrivé là, l’enfant récompensa la touchante sollicitude de son papa par un long somme qui tenait de la léthargie.

C’est égal ; dans la suite des temps, le petit gaillard pourra dire qu’il a vu Paganini.

17 mars 1831.
XIV.
HÉROÏSME EN ROBE DE CHAMBRE.

L’Autocrate, sonnant. — Esclave, apporte-moi Diebitsch.

— Sire, j’ignore où est le maréchal.

L’Autocrate, ressonnant ; un second valet arrive. — Esclave, la schlague à ce butor, et apporte-moi Diebitsch.