— Mon ami, dit le papa à son fils, Paganini est arrivé ; Paris possède enfin ce prodige.
— Qu’est-ce que c’est que Paganini ? demanda le fils à son papa.
— Comment ! dit le papa à son fils, tu ignores de pareilles choses ? Mais qu’apprends-tu donc à l’enseignement mutuel ?… Paganini est le généralissime des virtuoses apparus depuis le déluge ; c’est le Napoléon des violons.
— Ah ! dit le fils.
Et il alla jouer à la balle.
Le papa, comme absorbé par une combinaison financière, resta quelques instants silencieux, puis il rappela son fils.
— Mon ami, lui dit-il, tu n’as encore que huit ans ; une longue carrière s’ouvre devant toi, pendant laquelle tu verras bien des choses surprenantes, mais jamais aussi surprenantes cependant que ne l’est Paganini, — à ce qu’assure mon journal. — Ainsi, mon enfant, quoi qu’il en coûte à ton père, je te mènerai ce soir à l’Opéra ; je veux que, dans la suite des temps, tu puisses dire que tu as vu ce divin maestro.
— Papa, est-ce qu’il en coûte cher pour dire cela ?
— Trente francs, mon fils.
— Dieu ! papa, avec trente francs, comme on aurait des chaussons et des sucres d’orge !
— Allons, mon ami, va te faire habiller par ta bonne et prépare-toi à l’admiration.
L’enfant se fit habiller, se prépara à l’admiration en dînant comme quatre et alla le soir à l’Opéra.
Arrivé là, l’enfant récompensa la touchante sollicitude de son papa par un long somme qui tenait de la léthargie.
C’est égal ; dans la suite des temps, le petit gaillard pourra dire qu’il a vu Paganini.
L’Autocrate, sonnant. — Esclave, apporte-moi Diebitsch.
— Sire, j’ignore où est le maréchal.
L’Autocrate, ressonnant ; un second valet arrive. — Esclave, la schlague à ce butor, et apporte-moi Diebitsch.