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Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/30

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— Je ne me fais jamais prier…, dit M. de Villaines.

Il s’assit sur une causeuse, le silence se rétablit, et chacun écouta de nouveau.

Ici se plaçait le fragment de la Grande Bretèche ou les Trois Vengeances, qui termine aujourd’hui Autre étude de femme. Après ce récit, le Conseil se terminait ainsi :

— Eh bien, mesdames, dit M. de Villaines, après un bref moment de silence, pendant lequel chacun de ses auditeurs cherchait des critiques à faire, ou se remettait de ses émotions, est-ce une leçon ?… N’y a-t-il pas dans cette aventure l’épouvantable angoisse que doivent donner les mensonges perpétuels auxquels vous condamne une passion illégitime ?… Eh bien, cette affreuse tragédie est moins horrible pour moi que le spectacle d’une jeune et jolie femme, encore pure, prête à devenir la proie d’un homme sans principes…

— Cette histoire est-elle vraie ?… demanda la maîtresse de la maison.

— Oui, répondit-il ; mais qu’importe ?

M. de Villaines revint s’asseoir près de madame d’Esther. La conversation prit un autre cours ; et, quelques instants après, des discussions s’élevèrent au sujet de ces deux histoires.

La jeune comtesse, saisissant un moment où personne ne faisait attention à elle, alla dans un boudoir voisin, suivie du neveu de l’ex-pair de France.

Là, ils s’assirent ensemble sur le même divan, assez embarrassés l’un et l’autre, n’osant pas se parler ; mais, comme le silence est très-bavard entre un jeune homme et une jolie femme, la comtesse retrouva bientôt la parole.

— Monsieur, lui dit-elle d’un son de voix touchant, n’êtes-vous pas lié depuis longtemps avec M. de la Plaine ?…

— Oui, madame.

— Et le connaissez-vous bien ?…

— Oui…

— Alors je vous remercie, monsieur, du conseil indirect que vous m’avez donné. — Vous êtes mon véritable ami, vous !… Vous avez raison : il n’y a pas de bonheur assez grand pour faire affronter les secrètes tortures que les passions illégitimes nous font subir.

M. de Villaines, auquel il restait une ombre de pudeur dans l’âme, rougit du rôle qu’il venait de jouer ; et, dès ce moment, il devint passionnément épris de madame d’Esther.

XVII. La Grenadière, daté d’Angoulême, août 1832. Dédié d’abord à Caroline en ces termes : « À la poésie du voyage, le voyageur reconnaissant. » Aujourd’hui : À D. W. Imprimée pour la première fois dans la Revue de Paris d’octobre 1832, cette nouvelle, qui dut s’appeler d’abord les Orphelins, parut pour la première fois en volume,