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Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/304

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Lolo Phiphi est un plaisant croquis dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Il représente le Pouvoir, grotesquement figuré par un voyageur en tournée, muni d’échantillons quasi républicains, tels que seringues, cocardes, croix d’honneur, etc., etc. Au bas on lit : Lolo Phiphi, commis voyageur de la maison Casimir Pompier, Canule et Compagnie.

M. Fonrouge, père putatif de Lolo Phiphi, a déclaré qu’il ne reconnaissait point cet enfant comme issu de ses œuvres, qu’il n’était que son père adoptif. Selon M. Fonrouge, Lolo Phiphi serait né à Londres (à London), l’an de grâce 1831, pendant le voyage d’un roi dans ses provinces. Mais, comme père adoptif, il se déclare responsable des méfaits de son nourrisson, et renvoie la cour à maître Blanc, chargé de disculper les prétendus écarts de Lolo Phiphi.

Me Partarieu-Lafosse, substitut de Me Persil, avait mission de prouver que Lolo Phiphi était un insolent. Il s’est contenté de dire : « Voyez cette figure grotesque, messieurs les jurés, et, en conscience, décidez si une pareille figure est admissible dans un gouvernement constitutionnel. »

Me Blanc, persuadé qu’on ne doit pas juger les gens sur la mine, a soutenu, lui, que, sous un gouvernement libre, toutes les figures sont libres de se montrer, attendu qu’il n’y a pas encore de loi somptuaire sur la beauté, et que tout le monde n’est pas obligé d’être aussi joli que M. Mill… M. Desmor… M. Casimir Pompier et autres beautés de premier ordre de notre époque de perfectionnement.

Me Étienne Blanc, enfin, a prouvé clair comme le jour que l’accusé Lolo Phiphi n’est pas si méchant qu’on le dépeint ; que M. Fonrouge avait pu l’adopter sans se compromettre, puisqu’il était le second de la famille, et que son frère aîné, le souffleur de bulles de savon, avait obtenu de MM. les jurés la permission d’exister, même avec sa figure, ce qui, par le temps qui court, est une faveur insigne. Or, comme il n’y a pas encore de droit d’aînesse, MM. les jurés n’ont pas voulu déshériter le cadet quand l’aîné avait été comblé de caresses. Après une demi-heure de délibération, qui s’est passée sans doute à rire bien fort du procès, MM. les jurés ont dit : « Lolo Phiphi est un bon enfant, qu’il existe et poursuive son tour de France ; » ce que Lolo Phiphi ne s’est pas fait dire deux fois, remerciant Me Étienne Blanc de ses spirituels efforts. — Et de deux !

25 août 1831.
XXVII.
THÉÂTRE DE L’AMBIGU-COMIQUE.
PREMIÈRE REPRÉSENTATION DE
L’ASSASSINAT.
Comédie judiciaire de M. d’Aubigny.

Un écrivain quasi philanthrope a publié un volume sur l’art de faire des dettes, science délicieuse, branche d’économie sociale, complément du savoir-vivre, escroquerie élégante, brillant cheval de louage sur lequel tant d’individus par-