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Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/321

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II.

Il nous est arrivé d’amuser nos lecteurs en leur rapportant les singulières interprétations données à nos croquades par quelque flâneur arrêté devant les carreaux d’Aubert. Nous avons entendu l’explication que nous allons reproduire. Elle est très-loin, sans doute, du sens que les auteurs ont attaché à leur dessin ; mais il faut avouer que les erreurs de costume lui prêtent une apparence de vérité qui a pu tromper quelques personnes.

« Oh ! le beau Jupiter, disait le cicérone ! comme il est gras ! quel bel homme ! c’est la Flatterie qui lui verse l’ambroisie.

Apollon chante à ses pieds. L’artiste a peut-être pensé à M. Viennet ; ce qui le prouverait, c’est la cigale qu’on décernait aux mauvais chanteurs, et que je vois près de lui.

Le beau Neptune tient son trident (ou sa tricanule) comme un maréchal de France tiendrait son bâton.

Thémis a l’œil de M. Bart… C’est bien lui qu’on a voulu faire, car sa balance n’a qu’un plateau.

Cette tête de veau que nous voyons sur l’autre plan, qui est-ce ? Parbleu ! c’est Bacchus, l’amphitryon des centres, c’est Girodinde.

Plus loin, le Moniteur répand ses pavots sur le monde. Excellente image de la nuit !

Assis sur un canon, le dieu Mars brandit un cierge de procession.

Et les Furies secouent, l’une ses mandats de saisie ; c’est la bête noire de la presse, la Furie aux bouquets ; l’autre, son triangle d’acier, son fer de guizotine : c’est la Furie doctrinaire.

Ici, le dieu Pan, le dieu potager, souffle tranquillement dans son chalumeau ; il a seulement l’air de souffler avec le nez, mais cela n’ôte rien à sa grâce naturelle.

Vulcain-Périgord forge des chaînes et des protocoles ; il est assis sur les filets dont il entortille le monde ; il a l’air de se reposer sur ses lauriers. Une fleur de lis est tatouée sur son bras droit : si nous pouvions voir le bras gauche, nous y trouverions sans doute un bonnet rouge.

Sur le devant, ce petit dieu qui s’enfuit, c’est Mercure qui vole des pieds et des mains. Sa figure, d’un tiers trop petite, exprime bien le goût des affaires d’argent.

L’Amour du Juste-Milieu est un monstre aveugle, qui traîne un carquois chargé des traits pesants du Nouvelliste et du Journal de Paris.

Dans le coin, une Vénus nous peint la corruption. Elle tient et caresse sur ses genoux Némésis désarmée et accompagnée de plusieurs autres.

Un vieil abbé enrichi figure l’Avarice.

La Discorde tient sa poire à la main.

La Cupidité, appuyée sur le temple des agioteurs, sourit à l’espoir d’une hausse ou d’une baisse qu’elle prépare.

Sébastiani est dignement remplacé par un paon. C’est un intérim dont personne ne s’apercevra.