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Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/62

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Donc, pour conter l’exploit d’un jeune malandrin,
Je me contenterai du vers alexandrin.
Mais avec sa grandeur, sa flamme et son délire,
Il suffit à la joie immense de la Lyre,
Et mon maître, le roi du faste oriental,
Qui dans l’ardent brasier forgea son dur métal,
A prouvé qu’il sait être, avec son fier mélange,
Bon pour Benvenuto comme pour Michel-Ange.
On en fait, si l’on veut, le glaive aux durs éclairs,
Ou le joyau qui rit à l’azur des yeux clairs,
Ou le paillon furtif du svelte funambule.
Mais, poëte, j’arrête ici mon préambule.
Voici le fait. Ce dieu, souvent digne du fouet,
L’enfant Éros avait disloqué son jouet
Et son pantin funèbre et morne rendait l’âme.
Ces deux êtres formaient un assemblage infâme,
L’un pantelant, brisé, tordu, le corps en deux,
Et l’autre s’acharnant sur des débris hideux.
Oh ! le pantin ! Ses bras éperdus et fantasques
Se balançaient, épars, comme des choses flasques,
Et la langue bleuie était horrible à voir.
L’enfant tirait toujours le nez tragique et noir
Du misérable, et fou comme un loup dans son antre,
Lui fourrait jusqu’au fond ses ongles dans le ventre.