Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/84

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Colombine, mon cœur, viens, au clair de la lune
Qui brille dans l’azur céleste, comme l’une
De tes sœurs ! Viens errer tous deux, au clair de la
Lune. Allons-nous-en, seuls et charmés, par delà
Ces jardins frémissants où la lumière argente
L’étang poli, glacé d’une moire changeante.
Allons-nous-en bien loin, mon amoureuse, au clair
De la lune. L’éclair divin, le doux éclair
De tes yeux d’or, qui fait ma joie et mon désastre,
Brillera dans la nuit sereine, comme un astre,
Et je me pencherai pour baiser tes bras, au
Clair de la lune ! Ainsi qu’un flexible roseau,
Quand les parfums du soir empliront ta narine,
Ton corps svelte et charmant ploiera sur ma poitrine.
Une haleine de rose est éparse dans l’air,
Et le délicieux rossignol chante, au clair
De la lune. Ôte un peu ton masque de théâtre ;
Sous les rayons pensifs de la lune folâtre
Laisse-moi voir ton front de lys, que modela
Pour moi le fol Amour, et viens, au clair de la
Lune. Allons vers Cythère ou bien vers Pampelune,
À travers la forêt bleue, au clair de la lune !


Février 1881.