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Page:Banville - Gringoire, 1890.djvu/19

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à la main rude et vaillante, qui fût un père pour nous, un maître inflexible pour les bergers qui tondaient de trop près notre laine. Vous étiez notre homme, et nous le comprenions !

LE ROI.

Voilà parler. Vive Dieu ! Simon Fourniez, tu as raison, mon peuple et mes bourgeois sont ce que je préfère à tout au monde. Si je suis venu aujourd’hui te demander à souper, c’est que, Dieu merci, je puis enfin prendre un peu de repos : je l’ai gagné ! Je veux jusqu’à ce soir me réjouir librement avec vous, et me donner la récréation de n’être plus le roi. Les mauvais jours de Péronne et de Liége sont passés, mes amis ! (Se frottant les mains.) Mon cousin de Bourgogne perd son temps du côté de la Gueldre et du landgraviat d’Alsace !

NICOLE.

Mais on assure que le sournois veut établir en Champagne Monseigneur votre frère de Normandie…

SIMON FOURNIEZ.

Pour se ménager un passage entre ses Ardennes et sa Bourgogne !

LE ROI.

Oui, il a été question de cela. Oh ! Le duc Charles est fin et rusé !

SIMON FOURNIEZ, devinant le roi.

Mais on peut trouver plus fin et plus rusé que lui !

LE ROI.

Que dirais-tu, par exemple, ami Simon, si, en renonçant à la Champagne, mon frère recevait de moi en échange la Guyenne et l’Aquitaine ?

SIMON FOURNIEZ.

Je dis que ce serait un bon tour !

LE ROI.

Et un bon troc ! Pour un jeune homme ami du plaisir, comme l’est monsieur notre frère. Aussi ne le refusera-t-il certainement pas.