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NOUS TOUS.


Oh ! disent-ils, voilà le ton
Donné par nos littératures !
Tête et sang ! comment laisse-t-on
Sortir de telles créatures ?

Tels ces orateurs oublieux
Se courroucent, et leur flot passe.
Les Tristes les suivent des yeux
Et leur répondent à voix basse.

Ayant pour unique témoin
Le souvenir d’une heure tendre,
Elles disent, parlant de loin,
Comme s’ils pouvaient les entendre :

Oui, nous sommes joie et douleur !
Mais n’ayez pas un air morose
En voyant nos lèvres en fleur
Aussi banales qu’une rose.

Troupeau docile et châtié,
Nous marchons là, troublantes Èves ;
Mais ayez un peu de pitié
Pour les fantômes de vos rêves.