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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/101

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doublées d’habileté, si elles veulent tenir au mauvais vent de la vie. Je ne la condamne point, la pauvre femme ; je la plains. On raconte qu’elle a aimé Marigny avec une imprévoyance du lendemain et un esclavage de tout son être qui expliquent un peu l’abandon où elle est tombée. Nous ne sommes point à Constantinople, ma chère enfant. Quelque tendre qu’on soit, il faut rester personnelle. Il ne faut pas être uniquement une chose ornée de dentelles, comme l’oreiller sur lequel on est heureuse. »

Hermangarde écoutait sa grand’mère avec l’attention qu’elle eût prêtée à un oracle, et comme l’oracle est toujours un peu obscur, elle ne comprenait qu’à moitié cette politique de l’amour, nécessaire à toutes celles qui veulent être aimées. Il y avait dans les éléments de son être une fierté, disons mieux, une pureté de fierté, qui la rendait bien différente de cette faible madame de Mendoze, perméable à un seul sentiment, l’amour. Mais elle lui ressemblait en ceci, pourtant, que la comtesse n’avait pas une plus généreuse, une plus entière manière de se livrer toute au bonheur de l’homme qu’elle aimait, et d’y sacrifier jusqu’à l’amour même. C’était là ce qui inquiétait la marquise. Au moment de quitter son manoir de Carteret, elle était plus triste de cela que de son départ. Elle qui avait fait porter si longtemps son doux