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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/111

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que les douairières leur tendirent, leurs dernières recommandations. Comme le cheval d’Hermangarde, prêt à bondir, s’électrisait sous le genou doux et rond qui le pressait, la marquise, un peu alarmée, se rassura pourtant en voyant la pose olympique de force et de calme qu’avait Ryno de Marigny.

— « Garde du corps et du cœur, — lui dit-elle, tendrement et gaiement tout à la fois, — gardez la reine de nos deux âmes ! C’est la mienne et la vôtre, veillez bien pour nous deux. »

Et la voiture partit rapide, les laissant immobiles et tournés vers le côté qu’elle avait pris. Elle mit assez de temps à disparaître dans ces landages où nul arbre ne borne l’essor du regard. Les deux amies se penchaient aux portières et agitaient leurs mouchoirs. Enfin, mouchoirs, chevaux, voiture et jusqu’au bruit des roues, tout s’engloutit derrière un repli de terrain.

— « Nous voilà seuls, » — dit Hermangarde, essuyant avec le manche de sa cravache deux larmes retenues longtemps. Et elle regarda son mari comme pour faire équilibre à cette perte d’une mère ; comme si, avec son Ryno, elle eût pu conjurer la vie et défendre à toutes les douleurs de l’approcher !

— « Crois-tu — lui répondit son mari — qu’elle ne sera pas avec nous, quoique absente, et crois-tu qu’elle ne le sait pas ?… » Ils retour-