Aller au contenu

Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la crinière du cheval d’Hermangarde, ne se disant rien, mais âme dans âme, et, du sein de leur fécond silence, se parlant plus qu’avec la voix.

Tout à coup un coupé noir, élégant et simple, qu’ils entendirent et virent en même temps, déboucha d’une route couverte qui menait au Prieuré et longeait la rivière aux mille filets d’eau minérale, et s’en vint tourner brusquement la tête du pont sur lequel ils faisaient souffler leurs chevaux. Ils se rangèrent pour laisser passer l’impétueux attelage. Le cheval de Marigny, qui se cabra, faillit être atteint par une des roues. Ils reconnurent madame de Mendoze, et ils la saluèrent. Ni elle, ni eux, ne se croyaient si près… Cette apparition, imprévue pour tous les trois, fut un coup de foudre partagé. Madame de Mendoze n’était plus que le spectre d’elle-même. On eût juré que les os manquaient comme la chair à ce corps diaphane, qu’une pelisse de satin cramoisi, trop pesante encore pour sa faiblesse, écrasait sur les coussins du coupé. Elle passa vite. Ils ne purent juger les détails horribles d’un changement qui datait de loin, mais qui se précipitait vers son terme. Quand les yeux éteints et vidés de cette tête de morte que madame de Mendoze portait sur ses épaules voûtées, tombèrent sur M. et madame de Marigny, il s’y montra