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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/124

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la vie, au sourire, au bonheur, et d’un trait effacèrent les impressions qu’elle avait si violemment ressenties. « C’est fini ! ne t’inquiète plus, je suis bien, — dit-elle. — Ah ! je suis bien maintenant ! » reprenait-elle, respirant longuement, délivrée. Elle était assise sur le lit ; son chapeau, à la plume flottante, détaché, ses pieds dans les mains de sa fille de chambre qui lui délaçait ses bottines, et qui, à genoux devant elle et penchée sur ce qu’elle faisait, ne les voyait pas qui se regardaient, comme s’ils avaient été seuls. Hermangarde, redevenue heureuse, ferma les yeux pour leur faire boire, sans qu’on les vît à ses paupières, deux larmes qui y étaient restées, et roula ainsi sa tête sous les lèvres de son mari, qui baisa ces deux longues paupières et y trouva ce qu’elle voulait y cacher.

— « C’est de l’eau de la mer qui m’a sauté dans les yeux, » dit-elle toute rieuse, en les rouvrant, ces yeux divins, saphirs mouillés dont la couleur était moins douce que la tendresse !

Le reste de la soirée vengea bien Hermangarde de la première douleur qui avait traversé son âme. Il s’écoula dans les molles et vives délices d’une intimité sans témoins. On aurait dit que madame de Flers — à travers laquelle ils s’aimaient, tant ils l’aimaient elle-même ! tant elle était une douce interposition entre leurs