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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/127

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ne pensa point à celle dont il tenait la place. Hermangarde avait changé son amazone contre une charmante robe en foulard, d’une forme négligée et coquette. Les manches de cette robe étaient ouvertes jusqu’au coude et montraient, dans leurs fentes tombantes, les beaux bras ondoyants de madame de Marigny, cerclés de leurs bracelets d’opale. Ryno aimait les bracelets aux bras des femmes. Vellini qui couchait avec les siens, Vellini, cette bohémienne aux goûts barbares, la dépravatrice de sa vie, lui avait donné sa passion sauvage pour toutes ces pierres qui lancent la flamme et dont elle se plaisait à tatouer sa peau cuivrée. Hermangarde, simple dans sa mise comme toutes les femmes d’un caractère élevé, s’était bien vite aperçue du goût de son mari pour les bijoux, et elle avait emprisonné ses bras de statue antique, si fiers de leur sévère nudité, dans ces anneaux de pierres précieuses auxquels elle aurait préféré les velours noirs qu’elle portait naguères, roulés et fermés à ses poignets de jeune fille par une simple boucle d’acier. Elle aimait son mari avec une passion si entière qu’elle aimait tout ce qu’il aimait. Quand il s’agissait le plus d’elle, c’était encore de lui qu’il s’agissait. Elle n’existait plus. Sa personnalité anéantie ressuscitait dans Ryno. Si, comme Louis XIV pour mademoiselle de la