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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/13

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les miens davantage ? Cette coquine de Sophie Arnould, qui, dans toute sa vie, n’a jamais connu d’honnête femme, disait que cette vilaine goutte, qui empêche de garder ses bagues, était la croix de Saint-Louis… de je ne sais plus quoi. Cette croix-là, vous l’avez probablement bien gagnée, monsieur de Prosny, mais moi, qui n’ai pas, Dieu merci ! vécu comme vous, mon cher vicomte, je la porte aussi sur l’épaule, comme les chanoinesses portent la leur. Au moment même où je vous écris, l’épaule n’est pas seule agressée. Ces mains que vous avez trouvées jolies, sont ornées d’une petite enflure qui est fort loin de les embellir. Cependant, je n’emmitoufle pas mes sentiments dans mes petites souffrances et je vous griffonne mes bonjours du fond de mes mitaines pour vous prouver, une fois de plus, que nous autres femmes nous valons mieux que vous autres hommes, aussi bien en amitié qu’en amour.

« Encore si c’est là ce qui vous empêche de m’écrire ! Mais peut-être êtes-vous, dans votre silence, bien moins intéressant que je ne le crois. Je vous rêve souffrant et je m’inquiète, et peut-être vous portez-vous comme un charme, la main agile (cette main qui n’écrit pas !), la jambe leste, courant partout, dînant en ville, jouant au tric-trac jusqu’à minuit et