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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/139

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— Parce que cela m’a plu, — répondit-elle. — Est-ce que le grand air ne m’appartient pas ?… »

Mais Ryno, qui n’avait pas désappris le sens de cet être emporté et volontaire, lui prit la main avec une douceur désarmée. Sa colère, déjà venue, tomba. Ses yeux, noirs comme la mort, brillèrent comme la vie, et un sourire, rejetant ses lèvres boudeuses dans les fossettes de ses joues, découvrit ses blanches palettes, comme disait M. de Prosny, d’où il sembla partir un rayon qui lui éclaira tout le visage et lui remonta jusqu’au front.

— « Je suis ici — reprit-elle — parce que je m’ennuyais de ne plus te voir, parce que tu n’as pas répondu à mes lettres, parce que ton mariage n’est qu’un mensonge. Ta vraie femme, c’est Vellini !

— Tu ne te rappelles donc pas nos adieux ? — dit M. de Marigny. — Tu as donc oublié cette lassitude qui te fit accueillir mon mariage comme une délivrance ?

— Non ! — répondit-elle, — mais c’est toi qui oublies. Est-ce qu’en nous quittant ce jour-là, je n’avais pas le pressentiment que nous retournerions l’un à l’autre ? Seulement, je croyais que tu reviendrais avant moi. En cela, je me suis abusée. Mon âme est moins robuste que la tienne. C’est moi qui reviens la première, Ryno.