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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/169

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dre, quand il ne pleuvait pas, les escaliers des murs de la cour et de faire quelques tours rapides au bord du havre et sur la grève, où rien ne semblait vivre que les éléments. Ils entraient alors dans cette période de la vie de campagne que madame d’Artelles et la marquise avaient redoutée et qu’eux, au contraire, avaient désirée et voulue avec la confiante témérité de l’amour. On le conçoit. Quand on s’aime comme ils s’aimaient, lorsqu’ils arrivèrent sur cette côte, on voudrait habiter un point indivisible de l’espace afin d’être plus rapprochés. L’hiver, dont les rigueurs sont plus âpres à Carteret que partout ailleurs, rongeait, pour ainsi dire, le sol autour d’eux. Ils ne pouvaient plus s’y étendre. La Nature les refoulait l’un vers l’autre et leur disait : « Suffisez-vous ! » Ah ! la nature est une bonne mère. La vraie place de l’amour n’est réellement qu’à la campagne, en hiver, quand on ne peut plus mettre un pied dehors, et qu’endormie et crispée dans son lit de frimas, la terre n’a plus à offrir de ces distractions et de ces spectacles qui, pour la conscience timorée d’un amour exquis, sont presque des infidélités. C’est alors, — qu’au fond, tout au fond de la maison isolée où l’on aime, on se crée des recueillements merveilleux et des tranquillités inépuisables, à l’abri de tous les importuns du monde