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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/189

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soufflé toute la journée ; le brick radoubé et sur ses ancres, nous entendîmes de loin des cris terribles. On s’égorgeait à bord pour la pâle enfant. Le capitaine, forcené de jalousie contre un officier de son bâtiment, l’avait provoqué à un duel à mort. Ils se battirent dans l’entre-pont, aux flambeaux, et avec des haches d’abordage. « L’officier — me dit un matelot hollandais qui servait sur le brick et que j’avais connu dans les temps à Java — fut haché comme un arbre dont on abat, branche par branche, toute la membrure, et quand il ne resta plus de lui qu’un tronc pour tout cadavre, cet enragé de capitaine mit le pied dessus et se mit à le doler avec sa hache d’abordage, comme un charpentier dole une poutre. » Par l’âme du diable ! ce capitaine avait tous les démons de l’enfer dans le ventre, car deux jours après il fit porter nuitamment, par des nègres qu’il avait ramenés de Virginie, la blanche Caroline à la côte, et, malédiction sur eux et sur lui ! ils eurent le cœur de l’y ensabler toute vivante.

— Ah ! quelle horreur ! — fit madame de Marigny révoltée. — Et à quel endroit de la côte ont-ils, les monstres ! enterré cette malheureuse jeune fille ?

— C’est ce qu’on ignore, — dit le père Griffon. — Cette nuit-là, les douaniers dirent