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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/196

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— « V’là M. de Marigny qui arrive ! » dit le père Griffon.

C’était lui, en effet. Il avait reconnu sa femme. Il arrêta son cheval tout court derrière elle, et il eut bientôt embrassé, d’un tour de regard, les matelots travaillant autour du navire, à la lueur du feu allumé sous la chaudière de goudron, le mousse, le pêcheur, le mendiant, le vieux marin de Suffren, — et, à l’ombre du bâtiment dressé sur sa quille, Vellini, assise, qui fumait. Marigny, de son cheval sur lequel il avait la pose du soldat romain qui regarde le martyre de saint Symphorien, dans le magnifique tableau d’Ingres, avait tout vu et tout craint, car il s’agissait aussi d’un martyre.

— « Quelle folie ! — dit-il à sa femme ; — pourquoi êtes-vous sortie et venue jusqu’ici par un pareil temps ?

— Je m’ennuyais tant d’être seule, et je suis venue vers vous, — répondit-elle en levant vers lui sa belle tête marbrée de larmes versées tout le jour, en lui montrant ces joues d’opale, où il y avait comme un sillon noir qui partait des yeux, et qui tremblaient de mille sentiments réprimés. — Vous avez raison, — ajouta-t-elle profondément, — j’ai eu tort de sortir et j’en suis punie.

— Vous êtes donc plus souffrante ? — reprit