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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/203

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toujours un peu verdâtre, agitée, houleuse, semblait plus glauque par le contraste de toutes ces blancheurs sur lesquelles déferlaient les vagues en silence, comme sur un mol édredon fait par quelque fée du duvet de ses goélands. La salle du manoir, ainsi que le visage de M. et de madame de Marigny, était frappée de cette espèce de clarté blafarde qui ne vient pas du ciel, mais des neiges tombées, et qui éclaire les objets comme par en dessous. Ils n’entendaient — et même l’entendaient-ils ? — que le bruit du feu comprimé dans le poêle, et de temps en temps, — quand le vent les leur apportait, — les sons douloureux d’une cloche lointaine, qui sonnait pour les morts.

— « Ah ! — dit Marigny, rompant le premier le silence, après avoir vidé son verre, — il avait bien raison d’aimer ces alcools qui nous réchauffent et qui nous soulèvent, sir Reginald Annesley ! »

Ce mot prononcé disait assez de quel côté penchait sa pensée. Il lui jaillit des lèvres comme s’il se fût parlé à lui-même et qu’il eût été seul.

— « Qu’est-ce que sir Reginald Annesley, mon ami ? — fit Hermangarde. — Je ne vous en ai jamais entendu parler. »

Il la regarda, surpris, comme s’il eût oublié qu’elle était là.