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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/21

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ment et une adoration sans bornes, elle avoue pourtant que le bonheur de sa fille est plus grand que le sien n’a jamais été. « J’étais — dit-elle avec une distinction fort juste — l’idole de M. de Flers, et c’était tout ou à peu près ; mais ma petite-fille et Marigny sont leur idole à l’un et à l’autre. En fait de jouissances, c’est la moitié de plus que moi. » Elle a raison. Assurément, M. de Marigny ne rappelle guères cette grasseyante miniature de marquis de Flers, que vous avez connu, lequel disait si joliment : mon cœur ! à sa femme, et qui portait de la poudre de la couleur des cheveux de la Reine. Le mari d’Hermangarde n’a rien de cette fraîche et tendre élégance de pastel. Sa grâce, à lui, est le souple mouvement de sa force. Il a quelque chose de si mâle, de si léonin, diraient les écrivains de ce temps-ci, dans l’esprit et dans la physionomie, que l’amour qu’il inspire doit être de l’émotion en permanence, et celui qu’il ressent, la plus enivrante attestation qu’on est bien puissante, puisqu’on a pu le subjuguer. Cela est divin, cela. De tels sentiments, de telles sensations ont été inconnus à la marquise, qui menait son mari avec les genoux — comme les bons écuyers mènent leurs bêtes — et une facilité si grande, que pour la gloire de son empire elle mettait beaucoup d’habileté à le cacher. Elle n’avait pas, il est vrai, les exigences