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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/212

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en lisant une millième fois une de tes vieilles lettres, tandis que le prêtre récitait dans un coin de la chambre les prières des agonisants. Le dernier mouvement de sa main convulsée a fait tomber cette lettre à mes pieds. Je l’ai ramassée et détruite à la flamme de la chandelle des morts qui continuait de brûler… Pobre muger ! L’auras-tu damnée comme tu l’as tuée ? Fatal Ryno ! fatal à nous toutes ! prends-tu aussi la vie éternelle ?… J’ai détruit aussi toutes les autres lettres qu’elle avait de toi, ce poison dont elle prenait tous les jours… Ah ! que je voudrais brûler de même toutes les paroles que tu dis maintenant à ton Hermangarde ! Que je voudrais, de tout ce que tu as jamais aimé, ne faire qu’une seule cendre où, plus tard, on retrouverait, vivants et entrelacés, les deux anciens amants, Ryno et Vellini ! Cela sera, cariño. Tu ne le crois pas, mais moi j’en suis sûre. Seulement, ta femme est si belle, que d’ici là peut-être le temps qui passera sera bien long !

« Et c’est cette attente qui me tue, Ryno ! Tu sais, toi, ô mes ardentes années, si ta muchucha a été créée pour attendre. Ma mère idolâtrée, cette femme de feu qui a fait mon corps et mon âme, n’a pas dressé son faucon pour rester sur le poing d’une inerte destinée à se dévorer de désirs. Je ne veux pas de ce supplice. Je l’ai abrégé en venant vers toi. À Paris, je t’attendais