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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/219

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main ivre d’ardeur solitaire, Marigny l’entendait dans son souvenir, animé des irrésistibles intonations de la voix connue ; et la voix réveillait en lui ces échos de sa vie qui ne dormaient jamais et qui grossissaient toujours. Épouvanté de la pensée que l’œil soupçonneux d’Hermangarde pouvait s’arrêter sur l’ardente supplique de Vellini, il l’avait cachée dans sa poitrine ; mais son front qui disait les tortures du souvenir, il n’avait pas pu le cacher. Hermangarde l’avait vu. On sait si elle en fut touchée.

Elle était toujours devant lui dans le désordre du matin, de l’insomnie, des larmes et d’une grossesse dont les symptômes s’étaient précisés et qui menaçait d’être orageuse. Elle n’était lacée qu’à moitié. Sa robe grise, chiffonnée par toutes les poses de l’inquiétude et désagrafée des épaules comme si elle n’eût pu résister à toutes les palpitations qui venaient gonfler son corsage ; le chignon d’or de ses cheveux mêlés qui tombaient richement sur sa nuque aux reflets d’orange ; ses grands yeux cernés d’outre-mer ; ses bandeaux crevés sur ses joues d’une pâleur épaisse, tachées çà et là de plaques ardentes, révélaient en elle des souffrances d’âme et de corps qui l’avaient déjà trop mûrie. À travers ce fard terrible et meurtri que lui attachait la douleur, on devinait la fermen-