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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/229

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Charline, en se servant d’une expression proverbiale dans ces contrées. Ces simples femmes ne connaissaient rien de la vie de l’étrangère. Elles ne savaient pas qu’elle attendait un homme qu’elle appelait son destin et qui pourrait bien ne pas venir, tant il s’était attaché, agrafé, rivé à la ceinture d’une autre femme, et tant il y avait d’honneur exalté dans son magnanime amour pour elle ! C’est une si cruelle chose que d’attendre, que Bonine, qui avait eu son fiancé Richard, matelot au long cours, séparé d’elle par des milliers de lieues sur les vagues, Bonine blessée et mécontente de l’air dur de la señora, en aurait été touchée de compatissance, si elle l’avait su, et le lui aurait pardonné !

Étonnées, curieuses, la mère et la fille vinrent plus d’une fois regarder, à la nuit tombante, à travers une fente de volet, ce que faisait la Mauricaude. Elles la virent qui s’était habillée, et restèrent aussi ébahies que ce fils du roi, dans les contes, qui regarda par la serrure de la chambre de Peau-d’Âne et qui la vit s’illuminant des reflets changeants de sa robe, couleur de la lune. La señora avait allumé dans la cheminée une de ces petites lampes qui ont un bec et qu’on suspend à la muraille avec un crochet, et elle lissait ses noirs bandeaux avec un petit peigne qui brillait dans sa main comme de l’or. Elle avait mis une robe singu-