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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/262

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Hermangarde resta toute une longue et horrible journée dans ce paroxysme violent. Le médecin craignit quelque temps une congestion mortelle. Mais des accidents d’une autre nature vinrent dégager le cerveau. Ryno, qui ne l’avait pas quittée un instant, épiait le moment où elle recouvrerait la connaissance. Quand elle lui revint, ce fut vers le minuit du lendemain, — à l’heure où, la veille, elle l’avait probablement perdue. Ses yeux, qui s’étaient fermés dans un lourd accablement, se rouvrirent doucement avec leur intelligent rayon. « Où suis-je ? » fit-elle d’une voix faible. Mais elle s’arrêta, — se souvint, — et regardant son mari qui lui avait pris la main, elle la retira, comme si un serpent l’eût piquée. Mouvement de rancune instinctive et jalouse, qu’elle corrigea en la lui rendant. Hélas ! il ne dit rien de ce mouvement qu’il avait compris. Il avait seulement baissé les yeux. Quand il les releva, il la vit qui le regardait avec deux gros sillons de larmes silencieuses… Ce fut tout, et tout pour jamais ! En reprenant sa raison, cette femme, d’une trempe trop divine pour cette terre de perdition, avait repris la virginale nature qui mettait la main sur le mystère de son âme, comme la pudeur surprise la met sur le mystère de son corps. Jusque-là, elle n’avait eu que des soupçons qui la dévoraient. À présent (son délire