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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/267

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havre et s’avança-t-il tout contre l’eau. Son mouvement fit arrêter la chaloupe, qui tourna sur elle-même comme si elle eût tenté d’aborder sous ses pieds. Alors il s’assura qu’il l’avait devinée. Elle était là, à moitié cachée sous les voiles, plus cachée encore (ne lui avait-elle pas promis d’être prudente ?) par le genre de costume qu’elle avait choisi. Avec son mantelet de ratine blanche, à la cape doublée de ponceau, et son foulard à la tête, tordu avec une négligence de créole, on l’aurait prise pour Bonine Bas-Hamet ou quelque autre fille de la côte ; car elles ôtent leur haute coiffe quand elles vont en mer, de peur du vent. Marigny, malgré les préoccupations de sa tristesse, ne put s’empêcher de sourire en la voyant ainsi vêtue, la señora Vellini.

— « Viens ici, Ryno ! — lui dit-elle, mais en espagnol, — nous ferons un tour sous la falaise et je te débarquerai sous les dunes. Hermangarde est maintenant guérie, et il y a trois semaines que je vis sans toi ! »

Il hésitait. « Caramba !  » fit-elle avec impatience. Mais il pensait qu’il serait rentré au manoir avant Hermangarde, qui avait une messe à entendre, et alors il n’hésita plus. La barque redescendit le havre, passa, leste, entre les deux fanaux et cingla en mer.