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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/269

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y était, et bien éloquente ! Il était changé comme un homme récemment échappé à la mort. Cette vie sans air dans laquelle il avait vécu, les douleurs et le danger d’Hermangarde, l’amour mêlé de pitié qu’il avait pour elle, ses remords, et enfin l’ennui de tout cela, car l’homme s’ennuie de ses douleurs comme de ses joies, — l’ennui est le par-delà de toutes ses activités ! — lui avaient posé sur les traits un masque dévasté qui faisait frémir.

— « Oui ! — reprit-il, — mais l’accusation est ici. » Et comme elle l’avait touché au front, il lui toucha sa joue brune. Elle était presque aussi changée que lui. Ces trois semaines avaient pesé sur elle. Dans ce jour cru de l’atmosphère d’une mer sans brume, dans cette âpre lumière d’un ciel bleu qui semblait fouiller les moindres rides sur les visages comme sur les flots, il vit la dure empreinte, laissée partout, des passions qui l’avaient encore plus jaunie et qu’elle avait été obligée de refouler dans son cœur.

— « Ce n’est point une accusation, — fit-elle, grave et douce comme il ne l’avait jamais vue. — Je savais tout, Ryno.

— Non ! tu ne savais pas tout, — reprit-il. — Le malheur s’était abattu sur ma maison. Ma pauvre Hermangarde était en péril de mourir. Tu savais cela comme tous les autres, comme les domestiques qui m’entouraient, comme le