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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/282

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la Taille, chez les Hallot. Faut qu’j’me dépêche, car ils ferment la grange à bonne heure et si j’n’arrive pas à la tombée de la brune, i’ faudra qu’j’aille jusqu’au moulin. — Et en disant cela, il chargea son bissac, enflé comme une outre, sur son dos encore robuste. — M’est avis — reprit-il — qu’il est temps de tirer ses grègues, ma finguette ! car la mer sera haute, c’te relevée, et le pont de Carteret avant deux heures sera sous l’iau. »

Ryno regarda Vellini. — « Je te comprends, — dit-elle, dans cette harmonieuse langue de sa patrie qui mettait entre eux et les autres un voile sonore. — Il faut retourner aux Rivières et la route me manquerait si je tardais. À demain donc ! à après-demain ! à tous les jours, mon pauvre Ryno ! Ce ne sera jamais Vellini qui sera la dernière à nos mystérieux rendez-vous.

« Je m’en vais avec vous, bonhomme, — dit-elle au traîne-sacoche, avec cette simplicité hardie, le plus beau joyau de sa nature sincère. — J’ai affaire au Bas-Hamet et j’irai jusque sous le chemin de Barneville avec vous.

— Alors, si c’est comm’cha, partons, ma p’tite dame ! — fit le vagabond, qui n’avait jamais eu un pareil camarade de route depuis qu’il rôdait, de porte en porte, dans ces parages. — D’ici le Bas-Hamet, il y a un bon bout pour vos petits pieds, et l’on ne d’vale pas