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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/297

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blables aux frissons de la fièvre, quand elle commence à nous venir. S’étonnait-il de cela ?… Impuissante à consoler autrement que comme les parfums et les breuvages, cette femme, ce souffle plutôt qu’une âme, enivrait la souffrance avec les ondulations de son haleine, l’aimant constellé de ses yeux, la peau titillante de ses mains. Ce qu’on raconte de la baguette des fées, qui épanchent des rayons enchantés sur ceux qu’elles touchent ou qu’elles douent ; ce qu’on dit des philtres des magiciennes, elle le justifiait, elle aurait pu le faire croire ; et lui qui le sentait, lui dont elle fomentait les blessures au cœur avec les attouchements ailés de ses mains éparses, et transfondant à tous les réseaux de ses veines des flots de vivante électricité, il ne put s’empêcher, dans les hallucinations de son être, de penser à ces créatures surnaturelles dont les incantations étaient autrefois si puissantes, à ces philtres dont elle lui avait sans cesse parlé depuis dix ans, avec d’incorrigibles superstitions qu’il n’avait pu vaincre, et il lui dit avec la fièvre qu’elle allumait en lui par la fièvre :

— « Ô Vellini, magicienne de ma vie, je crois parfois, quand je suis avec toi, qu’il y a des philtres pour endormir ce que le cœur souffre. Ah ! s’il y en avait, ma charmeresse, comme je te dirais de m’en verser !