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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/300

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fon appelait la Mauricaude des Rivières, Hermangarde était restée au coin du feu à terminer la tapisserie d’un fauteuil qu’elle destinait à sa grand’mère. Ryno entra doucement dans le salon où elle était seule, endormant le bruit de ses pas sur l’épaisseur des tapis, mais elle n’avait pas besoin de lever la tête pour bien savoir qu’il était là.

— « Enfin, vous voilà ! — lui dit-elle, et ne voulant pas faire de cet enfin un reproche, elle ajouta, de ce ton simple qu’elle mettait par-dessus ses peines ; — je vous attendais pour le thé. »

Deux tasses de porcelaine rose diaphane étaient en effet sur la table. En disant ces mots, elle leva les yeux vers lui avec un suave mais triste sourire, mais ce sourire ne s’acheva pas… Une inexprimable épouvante la frappa d’une pâleur verte.

— « Ô mon Dieu ! — s’écria-t-elle, — qu’y a-t-il ? Quel sang avez-vous au visage ?… Qui vous a blessé ?… » Et elle se jeta à lui, mais elle chancela.

Ce fut lui qui se jeta à elle. Il s’était vu dans la glace de la cheminée. Son visage, teint de sang séché, avait un aspect affreux.

C’était cela qu’il avait senti couler sur lui dans la grotte. Dernière folie de sa folle sauvage, qui croyait au charme du sang pour expli-