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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/311

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rallumer par l’absence ; sentir les cendres qu’on croyait froides se soulever sous les pétillements d’un feu qui semblait éteint pour toujours ; éprouver en mille chocs électriques, reçus à la fois, la galvanisation d’un amour nouveau pour une autre, qui est une injure au passé, un outrage à la beauté perdue, une perpétuelle et impuissante jalousie ; vouloir tout ravoir dans un effort suprême ; croire reconquérir, reprendre, ressusciter ; jeter encore ce gant à la destinée avant de mourir ; oui ! c’est là une histoire connue et que vous avez vue, sans doute, plus d’une fois se répéter dans la longue expérience de votre vie ? Mais écoutez-moi, ô ma mère ! et dites-moi si vous l’avez vue se produire comme je vais vous la raconter ?

« C’était le jour même de votre départ. Vous vous en alliez. Il semblait qu’avec vous s’en allait notre bon génie, le gardien fidèle d’un bonheur comme six mois de vie humaine n’en ont jamais donné à deux êtres qui se sont aimés… Non ! il n’y avait pas trois heures que vous étiez partie, que, dans ces campagnes où vous nous laissiez l’un à l’autre, au sein d’une félicité créée et protégée par vous, je vis tout à coup Vellini passer comme un souvenir, muet et obscur. J’avais votre Hermangarde près de moi. J’avais les yeux et le cœur pleins de cette tête sculptée à même la lumière et idéalisée