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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/323

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me répétais que c’était un coup de partie à jouer avec ce maudit cœur auquel je ne comprenais plus rien ! Je me disais que je rentrerais calme sous mon toit domestique ; que j’allais égorger une bonne fois tous ces souvenirs frappés, mais qui palpitaient encore ; que je noierais cette folle soif des caresses d’autrefois sous les derniers baisers de deux lèvres flétries. Je me prophétisais que le lendemain nul spectre du passé ne s’interposerait entre mon cœur et Hermangarde. Je le croyais, marquise… et cela eût été vrai peut-être, si la femme vers qui je courais n’avait pas été Vellini. Je la trouvai dans sa cabane, m’espérant, quoique je ne lui eusse pas répondu ; sûre que je viendrais, armée de cette foi qui est sa force ; fanatique et vêtue comme une Bégum de l’Inde, sensuelle et languissante comme une Cadine qui attend son maître, mettant son orgueil à n’avoir plus d’orgueil et à bien ramper sur ses souples reins à ses pieds. Impossible de vous dire, marquise, les détails de cette nuit, tour à tour heureuse et funeste, dans laquelle je ne sais quel plaisir haletant et terrible brûla mes remords et fit taire la voix éplorée de l’amour ! Je m’en suis réveillé comme d’un rêve dont on garde longtemps les troubles, mais dont la mémoire n’est pas distincte, tant il bouleverse les facultés ! Pendant quatre heures d’une nuitée d’hiver,