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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/336

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cœur que nous portons dans nos poitrines, et s’il ne repousse pas avec ses souvenirs, à chaque coup mortel dont on le frappe, console-toi, ma tendre amie, le mien t’appartient maintenant sans partage. Je l’ai mutilé, mais je l’ai fait libre pour qu’il ne fût plus qu’à toi seule, et que chaque atome de vie qui l’anime fût pur de tout ce qui ne serait pas toi. »

« Ryno. »


Qu’aurait produit une pareille lettre, si la marquise de Flers l’avait reçue ? Malheureusement, peu de jours après qu’elle eut été envoyée, des nouvelles de Paris arrivèrent au manoir et y jetèrent une noire inquiétude. Ryno put craindre d’avoir porté à sa bienfaitrice et à sa grand’mère un coup funeste, dont la pensée avait retenu sa confiance et différé ses aveux. C’était la comtesse d’Artelles qui écrivait à Hermangarde. Elle lui mandait qu’un mal subit avait saisi la vieille marquise, et elle pressait les jeunes mariés d’arriver à Paris en toute diligence ; car madame de Flers, pour qui tout danger, à son âge, était une menace, désirait les voir et les embrasser si elle devait mourir. Ryno lut sous les termes contraints et sombres de ce billet, tracé d’une main émue, que le mal était bien plus grand que la comtesse ne le disait. Il ne voulut point augmenter les